Dimanche 16 septembre
6h30 : l’entraînement d’un des clubs de foot de Puno vient de démarrer. Les gamins enchaînent les dribbles sur la pelouse synthétique du terrain flambant neuf, en plein cœur de cette ville du sud du Pérou, à 3 800 m d’altitude. L’heure matinale ne les rebute pas, dans ce pays où le ballon rond est passion. Pas plus que la raréfaction de l’oxygène. Leur corps s’est adapté. Le mien, pas encore. Comme s’il me manquait une respiration, de temps en temps. Assis, passe encore. Mais le moindre effort se paie par un essoufflement. Je m’attendais pourtant à pire. Le mal des montagnes m’avait-on prévenu : maux de tête, nausée, voire vertiges. J’en ai été épargné. Peut-être parce que j’ai fait la montée de manière progressive. Notre avion, en provenance de Paris, est arrivé à Lima, vendredi en fin d’après-midi. Dans la foulée, nous avons repris un vol pour Arequipa, à 2 300 m d’altitude. Une nuit sur place, puis, le lendemain matin, départ en bus vers Puno. Six heures trente de route pour avaler les 1500 m de dénivelé. Et les 3 litres d’eau recommandés pour aider l’organisme à encaisser le choc.
Pour le reste, pas grand-chose à dire de Puno. La ville est une masse marronnasse, de la couleur des briques dont sont construites les maisons. Des ferrailles sortent du toit terrasse des maisons, prêtes pour le prochain étage, qui sera construit quand l’argent sera là. Le plus intéressant dans cette ville en expansion est l’hypermarché. Un gigantesque temple de la consommation, aux standards occidentaux, qui contraste avec le décor urbain habituel d’une petite ville d’un pays en développement. Des femmes en costume traditionnel – jupes volumineuses, couverture autour des épaules et chapeau rond, s’y pressent pour acheter des couches, des yaourts, des cahiers ou, plus rarement !, des frigos. Les tarifs sont très élevés, rapportés au niveau de vie moyen, mais le magasin fait le plein. Le prix de la modernité.

Lundi 17 septembre - DSC_0029.jpg
Pas de pics, pas de neige. Je m’étais fait une fausse idée du Titicaca. Mais je ne suis pas déçu. Les collines rocheuses descendent en pentes abruptes vers les eaux du lac. Le sol est grillé par le gel et le manque d’eau. Quelques bouquets d’eucalyptus dessinent des tâches sombres. Un harmonieux paysage de jaune, de vert et de marron.

Nous sommes arrivés hier matin à Capachica, un gros bourg au bord du Titacaca. C’est là que travaille Charline, une volontaire du service civique de 21 ans, dont nous allons faire le portrait. Sa mission : enseigner le français à des jeunes qui veulent devenir guide ainsi qu’à des familles qui accueillent des touristes. Il faut être solide pour passer un an ici, seule. Le climat est rude : huit mois de saison sèche - dont trois glaciales, les autres allant de froid à tempéré - et quatre mois de pluie. Pas de chauffage dans les maisons dont les vitres de verre très fin laissent pénétrer le froid. Pas d’autres étrangers qu’elle, ici. 11h00 : nous embarquons pour Amantani. Une heure de trajet pour arriver sur cette île montagneuse. Un chemin bordé de murets de cailloux nous guide vers la maison d’une famille qui accueille des touristes. Charline y a donné rendez-vous à d’autres insulaires, qui veulent apprendre le français. Déjeuner avec vue sur le lac. La table est dressée dehors, sous un auvent de bois et de roseaux. Des fleurs coupées sur la nappe. On voit que nos hôtes ont l’habitude de recevoir des étrangers. L’endroit est idyllique. Et si tranquille. Les lumières sont éclatantes. L’effet de l’altitude peut-être. Le bleu profond des eaux tranche avec le bleu ouaté du ciel, parsemé de quelques nuages blancs. Envie de rester là quelques jours.

Mardi 18 septembreDSC_0101.jpg
Bateau hier, moto aujourd’hui. Mais toujours des paysages splendides. Fini le Titicaca. Nous serpentons dans une vallée bordée de montagnes aux doux contours, au milieu de laquelle coule un large torrent. Imaginez un patchwork de draps couleur épi d’or gonflés par le vent, mais froissés par endroits de plis et de replis. Quelques maisons de temps en temps, des troupeaux de moutons, de lamas et d’alpagas, gardés par des bergères en costume traditionnel. Près d’une heure après avoir quitté Ayaviri, la ‘’capitale’’ du district, nous arrivons dans un petit village. Camille, la volontaire de solidarité internationale que nous suivons toute la journée, y a donné rendez-vous à un groupement de femmes qu’elle accompagne. Ces villageoises ont l’habitude de tricoter des vêtements en alpaga pour leur famille. L’idée est de leur permettre de les commercialiser, au Pérou et à l’étranger. Elles viennent d’intégrer une coopérative qui a des acheteurs dans le monde entier (Artisans du monde, etc.).
La semaine dernière, Camille a emmené l’une d’entre elles à Lima pour assister à une formation organisée par la coop. La réunion d’aujourd’hui sera consacrée au compte-rendu. Les femmes, dont certaines ont marché plusieurs kilomètres pour venir, écoutent, en tissant des fils de laine, à l’aide d’une toupie. Les plus jeunes enfants, qui les ont accompagnées, s’occupent tranquillement. A une centaine de mètres de la salle communale, les élèves de l’école jouent au volley-ball, le sport national avec le football. Le voyage retour, sur la piste de terre et de cailloux, sera aussi tape-cul que l’aller, mais toujours aussi plaisant.

Mercredi 19 septembreDSC_0169.jpg

Chorale dans la salle commune. Les enfants du foyer entonnent quelques chansons sous la direction d’Yves, le compagnon de Camille, lui aussi volontaire de solidarité internationale. Une de ses missions consiste à organiser des activités pour les pensionnaires de la Casa Cana, un foyer qui accueille des enfants orphelins ou dans une situation familiale difficile. 25 jeunes de 5 à 18 ans vivent ici, à Ayaviri.
Ce matin, atelier géographie pour commencer : un jeu pour apprendre à connaître les pays du monde, puis chorale et jardinage. Le foyer vient d’obtenir la mise à disposition d’une parcelle, à la périphérie de la ville. Ce qui permettra de cultiver des légumes, et donc d’enrichir l’alimentation des enfants, tout en les initiant à la culture. Ambitieux, car la terre du carré, qui n’a pas été cultivée depuis des années, est extrêmement dure. Les enfants manient la pioche et la pelle pour la préparer, avant la saison des pluies qui ne devrait pas tarder à démarrer. Retour au foyer, douche à l’eau froide dans le patio et habillage avant d’aller en cours, dans différents établissements de la ville. Au Pérou, l’uniforme est de rigueur. A chaque école, le sien. Le plus spectaculaire est le ‘’militaire’’ : calot, cravate noire, pantalon et chemise marrons. Etrange de voir des gamins de six ans habillés comme pépé boyington, le héros des têtes brûlées.
13 heures : les images sont dans la boîte. Il est temps de quitter les hauteurs pour redescendre à une altitude plus raisonnable. Direction Arequipa, à 2 300 m. Un bus tout confort nous y emmène. Sièges inclinables et écrans vidéos. Au programme : Léon puis Avatar. C’est ça aussi, la mondialisation.