Curieux, comme si c’était ma maison, mon chez moi.
C’est une constante dans tous les pays, nous ne parlons pas la même langue, nous n’avons pas la même culture et pourtant, c’est comme si on se connaissait depuis longtemps. Cet endroit est notre maison à travers le monde. Je retrouve cela dans tous les théâtres, cette relation de complicité avec les techniciens, essentielle avant de monter sur scène. Sentir que l’équipe technique est contente de travailler avec nous est au moins aussi important que l’accueil du public. Déjà la confiance s’installe.

Déjan est de plus en plus surprenant. Très efficace et compétent avec l’ingé son. Il arrive à nouer des relations avec tout le monde et à se faire apprécier. La dernière répétition ce matin était détendue et concentrée. J’ai confiance. On a un peu parlé d’un possible projet ensembles entre Hongrie et Turquie… Je laisse mûrir les rêves, je laisse les idées surgir incertaines et floues en sachant que cette rêverie aléatoire contient déjà le futur fil rouge. Nous savons déjà que nous allons avoir un autre musicien. 3 c’est toujours plus dynamique que 2 et plus riche… Je sens venir le projet de traîner dans les Balkans cette année.
Je rêvais de monter un groupe avec des musiciens et… qui sait… ?? j’aime quand tout est encore possible…

Le check sound balance a duré 3 heures.. Comme je regrette l’absence de Catherine. Les speakers sont accrochés très ouverts, le matériel n’est pas de très grande qualité. Les micros par contre sont bons. Mais ils ne peuvent pas non plus tout compenser. Le technicien son n’est pas mauvais mais il ne connait ni la salle ni le matériel. Dejan se met au travail avec lui, en fait il connait mieux le matos. Il nous faut changer de speakers, buzz avec
la lumière, pas de moniteurs. J’ai décidé de ne pas stresser.
Helen passe avant nous. Nous restons dans les loges le temps de son spectacle.. La pression monte.
Le public rit énormément. Elle nous passe le relais.

Le concert est passé, un peu comme un rêve. Je me suis senti très à l’aise, à part pour 2 morceaux où sans retour, je n’entendais pas assez le kemane dans les bas médiums.
L’écoute du public est impressionnante. Je découvre une liberté inattendue et un plaisir fou. Je sens que le concert se tient, textes et musique… Dejan fait quelques solos magnifiques.
Je voudrais rester là dans ce carré magique où tout est exacerbé et où l’abandon donne des ailes.
C’est fini, le public est délirant, et la salle se lève pour applaudir . Je ne sais même pas ce que je ressens tellement je suis suffoquée. Vite il faut laisser la place pour Cristina.

Je reçois les compliments démesurés du public dans le hall.
C’est étrange, quelque soit l’accueil du public après le spectacle, j’ai toujours cet espèce d’entre deux complétement vidée, à la limite de la déprime. Une espèce d’abattement vide. Et ça va durer quelques heures .
Tout le monde est unanime, je dois garder ce spectacle et le faire tourner.  J’écris dans la nuit à Christophe Robert pour qu’il nous présente à Babelmed avant la date limite.

Les propositions tombent, Argentine, Chili, Danemark… on verra si tout cela se concrétise.

Le spectacle de Cristina « Umbral » est une pure merveille. Un bijou d’émotion et de pureté. Quelle actrice ! Nous repartons, il est 1 h du matin, Dejan est assailli par toutes les femmes, je veux dormir. Je n’arrive pas à dormir évidemment. Un douche. Toujours réveillée, une autre douche froide ; Je m’endors enfin.

Dimanche 16 Minuit 30

Ce matin a commencé avec une présentation de la recherche de Jill sur le théme « daughters ».
Très très beau, très poétique, très émouvant, je pleure.

Puis suit le round, une tradition de Magdalena project. Un grand cercle, à tour de rôle chacun choisit de parler ou non.
Plusieurs règles ; personne n’est interrompu, ne pas dire merci, parler de soi, toute promesse est un engagement. Essayer d’être concis et synthétique. 
Je ne suis pas une grande fan de cet exercice mais j’en reconnais l’utilité et la nécessité. Les 8 jours sont d’une telle intensité qu’il est essentiel et important pour certaines ou certains des participants, surtout les plus jeunes, d’avoir un espace de paroles.
Je parle du doute, qui ne quitte jamais et m’accompagne, fidèle compagnon.
Beaucoup de paroles, quelques promesses, vers la fin, une très jeune fille en colère nous reproche à Jill, Cristina, et moi de dormir pendant les spectacles !!
Plus tard les autres sont choquées, moi je trouve qu’il a fallu un certain courage à cette jeune fille pour nous balancer ça à la gueule, et un bonne dose d’innocence pour ne pas se poser la question de comment on fait à 56 ans après 28h de voyage, pour s’enfiler, une conférence, une table ronde, 3 spectacles sans piquer du nez ? Et puis, je dors toute l’année aux spectacles qui ne m’emportent pas radicalement.

Ensuite lunch et party.
Super groupe vocal avec lequel je vais travailler avec Helen demain et après demain…
Et chanteuses et pianiste samba pour 2 h . Je danse, je danse, je danse.
Quelques rendez-vous au milieu de la fête.
Une proposition d’Ana, une proposition de Cristina ; un spectacle à partir du tango argentin avec Ana et moi sur scène dirigée par Cristina. Je suis très honorée, et touchée et c’est oui.
Autre proposition de Déborah : diriger un atelier ensembles au prochain Transit au Danemark. C’est oui !!

Nous partons voir un marché
Ce soir restaurant français. Avec toute la direction du festival. Discussion. Je suis ré-invitée pour l’année prochaine.
Je me suis rarement aussi sentie chez moi dans ce nomadisme. En fait peut-être, je pourrais vivre comme cela avec une valise, et des théâtres à visiter.
Je crois surtout qu’ici je retrouve des compagnons de route et le chemin me parait moins solitaire.
Je retrouve Dejan qui est parti danser la samba dans un bal avec orchestre. Il se débrouille très bien.

Je suis tellement fatiguée ce soir, que j’improvise un n° de clown avec Cristina. Les autres hurlent de rire, je me régale avec ce personnage tellement décalé. J’arrive toujours à m’amuser avec des caractères clownesque quand je suis épuisée. Comme si cela ne surgissait que dans l’abandon et la défaite de la volonté.